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20 novembre 2005

autoportrait

Français ; travail d’invention

Sujet : faire un autoportrait physique et moral imagé. Faire des métaphores, se comparer à un animal ou un objet.

            Mon âme ressemble à un éléphant dans une cage faite pour un lion. Elle est trop grosse pour mon corps. Telle une éponge, je retiens tout, sans presque rien rendre à certains ; ce qui fait que je n’ai souvent rien à dire.  Mais pas tout le temps, puisque je ne suis pas une adepte du muet. En fait, tout dépend du sujet : soit un jet puissant et continu (comme là) sort du robinet, soit c’est la panne sèche, autrement dit la sécheresse. C’est comme ça !

            Je deviendrais sourde avant quarante ans. Non non non, ce n’est pas le pronostic de mon médecin, d’ailleurs, je ne le vois jamais. En réalité, c’est mon pronostic, le mien à moi. Le moteur du Rédempteur et tous les appareils électroniques (dérisoires mais si utiles) m’ont déjà envahis de leurs sons, moi, la réceptrice de tous ces messages. D’ailleurs, les autres se plaignent d’une panne systématique : la réceptrice disparaît souvent, telle une ampoule que grille, dans une sorte d’art que l’oreille n’est pas véritablement capable de comprendre, j’ai nommé l’écriture. 

            Le paresseux d’une de mes vies antérieures a refait surface depuis bientôt un an. Il reste sur place, les yeux collés à des pages qui parfois se mêlent et lui donnent la migraine. Et dix minutes plus tard, il s’y replonge, car il ne peut plus se passer de ses symboles qui jalonnent sa vie.

            Ses mêmes symboles ressurgissent aussi, de temps à autres, pour les besoins de confidence, d’inspiration, ou même pour tout simplement « gribouiller ».  J’ai lu un jour que les petites lectures forment les grandes, moi, je pense plutôt que les lectures forment l’écriture. On s’approprie les symboles, et on les remodèle pour en faire autre chose.

            Etrangement, plus les symboles se bousculent et moins j’écris. Le paresseux fait duo avec la main, pour en tirer le maximum, quitte à triturer les méninges et perdre l’essentiel du désir d’écriture, de l’inspiration. Dommage…

            Une âme trop petite pour un corps, disais-je ? En fait, pas exactement. Les symboles qui se mêlent pour former des écritures sont la délivrance, ce qui fait que ce que je ne dis pas à certaines personnes ce qui devrait leur être dit. Les seules personnes qui me connaissent sont bien loin d’ici. Une de ces conséquences malheureuses est aussi le fait que les gens avec qui je vis sont celles qui me connaissent le moins.

            Ce matin, en partant au lycée (qui soit dit en passant, n’ai pas celui que j’avais espéré), j’ai rêvé que je me disputais avec un de mes professeurs. Pour quelque chose de très bête, c’est vrai, mais l’essentiel n’est pas là. Durant cette dispute, je prenais position contre ce professeur, qui ne comprenait pas ce que j’étais : une myope qui avait de ce fait besoin d’être devant. J’avais beau lui apporter toutes les preuves possibles, il n’avait de cesse de refuser et de me dire de rester à ma place, derrière.

            J’ai mis peu de temps à comprendre ce que ce rêve signifiait : mon désir de prendre position, de me mettre en colère contre quelqu’un. Je vous l’ai dit : je suis une éponge. Et, qui plus est, une éponge qui n’arrive pas à montrer ce que je suis à quelqu’un que je vois chaque jour et qui me rabache des consignes à suivre : ma mère. Et oui ! Dire à une mère ce que l’on veut n’est pas si facile, d’autant plus quand ce que vous voulez n’est pas en accord avec ce qu’elle veut. Ce n’est pas un désir de ne pas la décevoir, oh non, c’est juste un désir de mener ma propre vie, libre comme l’air et contre les préjugés de chacun.

            Egoïste, moi ? Oui, on peut penser ça de moi, mais après tout, je m’en moque éperdument. Après avoir passé des années à me laisser marcher sur les pieds et à attendre dire : « Odile, tu es trop gentille. »,  j’ai décidé de me détacher de tout ça, à laisser parler les gens qui se moquaient de moi. A quoi ça sert de se battre ? A dépenser son énergie ? J’en ai trop peu en ce moment pour la gaspiller, d’autant plus que j’ai épuisé mon stock depuis déjà quelque mois ! C’est comme le pétrole : c’est quand on en a le plus besoin qu’il s’épuise.

            C’est étonnant comment ce que l’on peut accumuler au fil des années peut partir en quelques secondes. Mes dix années passées en internat m'ont apprit le respect des autres quels qu’ils soient, plus petits ou plus âgés que moi ; et m'ont donné une rigueur, une foi en la vie et un sérieux avantage sur les autres : je sais communiquer avec les adultes. Nos éducateurs étaient des gens formidables. Oh, bien sur, pas tous, il y avait quelques brebis galeuses dans le tas, c’est comme partout. Ils étaient pour nous des adultes qui nous faisaient le bisous du soir, ils sont devenus les gens à qui on devait cacher nos bêtises que l’on faisait la nuit ou derrière leur dos,  et ont fini par être nos confidents, nos aides aux devoirs et ceux qui parfois étaient les personnes que l’on détestait le plus pour leurs règles stupides mais nécessaires.

            Certains se disent pension égale tristesse de la vie, règles dures et inflexibles, punitions et surveillance accrue. Moi je songe aux dix années de bonheur, d’embrouille, de travail et de confiance. Bonheur d’être avec ses amis et de pouvoir faire des bêtises (nous n’étions pas des anges en CM1 !) sans être prise ; embrouilles avec les filles et garçons que nous n’aimions pas ; travail puisque nous avions l’étude, lieu d’échange de devoirs et de leçon pour sortir plus tôt ; et confiance envers les adultes qui s’occupaient de nous (« c’est qui qui nous fait ce soir ? » était la question systématique, merci Karine de te soucier de notre expression – « on dit “qui est-ce qui nous fait ce soir” , dis donc ! » (Et oui, je m’en souviens !) - !) , mais aussi envers ses amis, les personnes qui vous consolent lorsque vous avez de la peine. Mais j’oubliais une chose : dix années de voyage. Voyages pendant les week-ends, comme lorsque l’on a marché deux heures et demies pour camper dans une ferme, ou pendant des semaines d’écoles (d’ailleurs, nos maîtres et maîtresses n’étaient pas vraiment d’accord pour nous laisser manquer l’école), lorsque l’on partait à la neige, dans les Alpes ou faire du camping pour décompresser avant un examen. Joies intenses, colères monstres et grosses punitions, tout cela est du passé, mais nous a formé a être ce que l’on désirait dans la vie. Pas forcement libres, non, mais être ce que l’on veut. Suivre le virus de ses parents ou pas.

            Je ne sais pas si c’est eux qui m’ont inspirée la vocation de professeur des écoles, mais d’aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours dit « je veux être éducatrice ! », avant de me rendre compte bien longtemps plus tard que le métier d’éducatrice n’existait pas et que cela s’appelait « professeur des écoles ».

            Collective et solitaire… Un paradoxe ? Pas vraiment. J’adorais être avec le groupe, les copines, les amis, mon étude ; et j’aime être seule à lire un bon livre, ou même écrire. Je déteste que l’on soit derrière mon dos, que l’on lise au dessus de mon épaule ce que j’écris ou je lis.

            Une chose que je déteste particulièrement également : je n’aime pas entendre mes compositions écrites de la voix d’un autre qui les lit. Trop personnelles, je ne les fais lire que par des inconnus ou par des gens dont je sais qui ne me jugeront pas. Des gens avec qui j’entretiens une relation d’amitié et de respect.

            Je disais tout à l’heure que je me moquais éperdument de ce que l’on pouvait penser de moi. C’était en partie faux. Je me moque de ce que les gens en général pensent de moi. Néanmoins, je n’aime pas être jugée par ceux qui me connaissent. Et quand je dis connaître, c’est bien sûr intérieurement.

            J’ai aussi dit tout à l’heure « collective et solitaire », comme mes cheveux. Je les veux longs, mais je les attache pour qu’ils me laissent tranquille. En même temps, ils me servent d’objet de tripotage. Quand j’ai rien à faire, je les entortille, les tresse, les déméle… indéfiniment, pour ne rien faire !

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